Hors du Vatican et de la région champenoise voisine, s’il est un milieu où la bulle s’exprime avec liberté, c’est bien la finance internationale.
Alors même que la théorie de l’efficience informationnelle des marchés devrait en limiter l’expansion, les bulles sont une des constantes observables, telles des secousses telluriques, sur les marchés mondiaux : et cela depuis les oignons de tulipes en 1637, les bulbes comme première bulle !
La politique monétaire non conventionnelle des banques centrales (FED & BCE) et le bas niveau actuel des taux d’intérêts ont favorisé la liquidité financière mondiale qui cherche logiquement depuis plusieurs mois les meilleures opportunités d’investissement. Elle a de plus permis une nouvelle expansion du crédit partout sur la planète, soutenant une croissance retrouvée…
Après huit années de hausse des marchés financiers outre-Atlantique et six en Europe continentale, serions-nous à proximité d’une nouvelle secousse ? Avant que d’y répondre, essayons de les identifier ensemble.
La première bulle sous surveillance est bien celle de la dette, qui atteint 200 000 milliards de dollars cumulés. L’écart de taux s’est réduit entre tous les types d’émetteurs, les taux longs sont au plus bas depuis des dizaines d’années, bref les obligations sont au plus haut avec une prime de rating au plus bas…Toute hausse significative des taux à long terme, ou toute résurgence de l’inflation sera de nature à faire exploser cette anomalie de marché, comme en 1987 !
La seconde bulle clairement observable est celle des valorisations des sociétés technologiques, +125% d’évolution de l’indice du NASDAQ en 5 ans par exemple. Plus grave, le marché valorise aujourd’hui à plus de 18 milliards de dollars des sociétés comme Tesla, Twitter et Snapchat qui ne réalisent aucun bénéfice. De fait toute déception sur la croissance est de nature à provoquer un réajustement brutal, comme en 2001 !
La troisième bulle est plus pernicieuse en ce qu’elle utilise les trois ressorts d’Internet à votre endroit : l’individualisme, l’immédiateté et l’irrationalité. Et là apparait la chimère libertaire du moment : le Bitcoin ! Voilà un nouvel actif financier dont la sécurité des transactions énergivores est mieux garantie que sa détention. Ces « crypto-monnaie » qui ne distribuent aucune rémunération, tout comme l’or, deviennent une nouvelle « relique barbare » d’un monde en profonde mutation. Jusqu’au jour où les états souverains siffleront sur ces actifs immatériels la fin de la partie de casino. Et là, il faudra être sorti avant les autres comme en 1637 !
Alors 2018, année d’un nouveau krach comme aiment à le prédire les Cassandre ? Voilà qui n’est absolument pas certain de notre point de vue, tant la croissance mondiale apparait aujourd’hui solidement installée. La cristallisation des tensions géopolitiques sera peut-être le facteur déclenchant d’une correction à partir des Etats-Unis au cours des mois à venir. D’ici là l’argent en circulation doit chercher les opportunités et à tous prendre avec le recul d’un vieux boursier, il vaut mieux être actionnaire d’Air Liquide que détenteur de Bitcoin….
« Le capitalisme canalise les frustrations des hommes, il les empile, comme il accumule le capital, et fait gonfler des bulles … qui finissent par crever comme des bombes. » Bernard Marris